Réacteur d'Arak
Un réacteur petit ... mais plutonigène
L'Iran a entrepris depuis 2004 la construction d'un petit réacteur à eau lourde et uranium naturel, aux abords de la ville d'Arak, située à 290 km au sud-ouest de Téhéran.
La centrale, qui devait être sous le contrôle de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA) comprend une installation de
production d'eau lourde et le réacteur proprement dit. L'installation d'eau lourde a fait l'objet de plusieurs visites de l'AIEA. Le réacteur devait être en principe achevé à l'automne 2014 avec une
mise en service début 2015, en raison de retards accumulés dans la construction. Selon l'accord signé à Genève en novembre 2013, les activités de construction seraient gelées avec un accès amélioré
de l'AIEA aux installations.
Ce réacteur iranien de 40 mégawatts est inspiré de plans russes. Ce réacteur serait destiné à la production d'isotopes à des fins médicales, isotopes dont l'Iran manque du fait d'un embargo dont il est l'objet, et à ma recherche. Ce projet avait reçu au départ le soutien technique de l'AIEA avant qu'en 2006, à la suite du premier train de sanctions, celui-ci lui soit retiré. La conséquence de ces sanctions a été en revalidation, de diminuer la fréquence des inspections de l'AIEA et ... d'accroître les soupçons.
Les réacteurs à eau lourde accompagnés d’installations de retraitement sont considérés comme proliférant. Fonctionnant à l’uranium naturel, ils génèrent un plutonium de qualité militaire que l'on peut extraire moyennant un retraitement du combustible irradié. La centrale d'Arak est donc vue par certains comme une deuxième voie vers une bombe. Le réacteur serait à même en théorie de produire assez de plutonium-239 pour une ou deux bombes par an à partir de la fin 2016, 8 kg suffisant pour constituer une charge atomique.
Réacteur d'Arak.
Le site du réacteur à eau lourde d'Arak, comporte un réacteur et une unité de production d'eau lourde, mais pas d'installation qui permettrait d'extraire le plutonium-239 des combustibles irradiés. L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et Téhéran ont signé en novembre 2013 une déclaration commune sur leur coopération future qui doit notamment autoriser les inspecteurs de l'agence onusienne à se rendre sur ce site.
Photo d'archives/REUTERS/ISNA/Hamid Forootan ci-dessous
La réputation d'être plutonigène des réacteurs à uranium naturel et eau lourde remonte à 1945, quand un réacteur de ce type permit de fabriquer la première bombe au plutonium qui détruisit Nagasaki. Mais tous les réacteurs du nucléaire civil sont potentiellement plutonigènes. Ils peuvent produire du plutonium de qualité militaire, si on sort prématurément le combustible du cœur du réacteur au lieu de l'y laisser trois ans. Pour cette raison, l'exploitation des réacteurs est soumise à une surveillance et un contrôle continu de la part de l'AIEA. C'est déjà le cas pour l'Iran du gros réacteur de Busher, ce devrait être le cas de celui d'Arak.
Pour être proliférant, le réacteur devrait être accompagné d'une usine permettant d'extraire le plutonium des barres de combustibles, usine dont la première pierre n'a pas été posée Une telle usine, ne peut pas être construite en cachette. Elle n'existe pas à l'état de projet.
L’AIEA a pu contrôler d'une façon intermittente l'avancement du réacteur et de l'installation de production d'eau lourde à Arak, le protocole additionnel du traité de non-prolifération n’étant plus appliqué depuis les sanctions de 2006. Cette situation a changé avec la détente qui a suivi l'élection du Président Rohani. Un protocole a été signé avec l'AIEA le 11 novembre 2013, accord qui permet en particulier à l'AIEA de visiter la centrale d'eau lourde d'Arak.
Bien que la menace de prolifération soit hypothétique et lointaine en raison de l'absence de capacité d'extraction de plutonium, certains évoquèrent la possibilité de bombarder le réacteur avant son démarrage. La centrale d'Arak, située en surface, serait plus facile à détruire par raid aérien que les installations enterrées de Fordo, où l'Iran enrichit de l'uranium à 20%. Il fallait que les frappes aient lieu avant l'introduction de matière fissible dans le réacteur, sinon les dégâts humains et environnementaux seraient considérables.
A l'occasion de négociations à Genève en novembre 2013, la diplomatie française a fait reculer la signature d'un accord, en insistant sur la menace que présenterait le futur réacteur d'Arak. L'Iran n'a pas franchi la ligne rouge que constituerait une unité d'extraction de plutonium.
En raison du caractère lointain de la menace de prolifération, la question du réacteur d'Arak était passée au second plan des contentieux à la table des négociations. Il a donc été surprenant de voir resurgir la question d'Arak, à l'initiative de la France, lors des discussions de Genève des 9-10 novembre 2013, quitte à compromettre les prémices d'un accord.
L'Iran, qui a investi des moyens considérables pour ce réacteur à eau lourde renâcle à y renoncer. Arak doit remplacer le vétuste réacteur de Téhéran, construit du temps du Shah et dédié à la production d'isotopes. Dans le cadre de l'accord de l'accord de novembre 2013, l'AIEA et l'Iran choisirent de renforcer le régime des inspections, dont le défaut était jusqu'ici d'être intermittentes. Téhéran a proposé au début 2014 de modifier la conception du cœur du réacteur pour limiter la production de plutonium, ce qui fut accepté. Il s'est engagé à ne pas construire d'usine de retraitement, nécessaire pour purifier le plutonium.
Selon l'accord de Lausanne du 2 avril 2015, l'Iran a confirmé accepter de revoir la conception de son réacteur à eau lourde de façon à ne pas produire de plutonium de qualité militaire. Le combustible usé serait envoyé à l'étranger, l'Iran renoncerait à tout retraitement.
http://www.laradioactivite.com/site/pages/Reacteur_Arak.htm