SANTÉ PUBLIQUE ET MIGRANTS. 26 octobre 2018.
Laurent Chambaud, Fabienne Azzedine, École des hautes études en santé publique (EHESP) – USPC
Les polémiques récurrentes, en France, sur le nombre de migrant.e.s et leur légitimité favorisent les idées reçues autour de leur santé. Les migrant.e.s apporteraient des maladies en France ; les « campements » seraient des foyers d’épidémies ; ils ou elles viendraient profiter de notre système de santé ; ils ou elles coûteraient cher à la Sécurité Sociale.
Ces préjugés masquent une réalité bien différente, plus complexe aussi, parfaitement décrite dans la littérature scientifique. Plus grave, ces préjugés peuvent être utilisés comme arguments pour promouvoir des politiques publiques qui vont à l'encontre de nos valeurs et engagements nationaux et européens, comme le rappelait le Défenseur des droits, Jacques Toubon, dans son rapport remis en 2016 sur « les droits fondamentaux des étrangers en France ».
Première idée reçue : les migrant.e.s apporteraient des maladies en France
Historiquement, les études sur la santé des immigré.e.s ont montré un effet de sélection par la « bonne santé » des candidat.e.s à la migration. Cela se traduit par un meilleur état de santé des immigré.e.s comparé aux personnes nées en France, du fait notamment de la moindre fréquence relevée de maladies chroniques. Depuis les années 2000 cependant, cet effet est moindre et l’on observe que l'état de santé des immigré.e.s, sur le territoire français, se dégrade avec la durée de leur résidence. Cette évolution est principalement liée à des conditions de vie moins favorables, qu'il s'agisse du logement, du travail, de l'accès aux services, aux biens ou encore aux soins.
Les migrant.e.s vulnérables, c'est à dire en majorité sans couverture santé et sans logement stable, consultent notamment dans les centres de santé des ONG ou dans les permanences d'accès aux soins de santé (les PASS) au sein des hôpitaux. Chez Médecins du Monde, par exemple, les principaux motifs de consultation sont les pathologies digestives, respiratoires et ostéo-articulaires.
Selon les pays d’origine, on observe une prévalence (une fréquence) plus élevée chez les migrant.e.s que
dans le reste de la population générale pour certaines infections sexuellement transmissibles (VIH, hépatites) et pathologies de la précarité (tuberculose). Elles sont aussi liées aux parcours migratoires et aux conditions d’accueil en France.
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HISTOIRE D’UNE DIFFICILE CONFRONTATION DE L’AMFPGN AVEC L’ÉPIDÉMIOLOGIE A PROPOS DES VICTIMES DES ESSAIS NUCLÉAIRES FRANÇAIS A.BEHAR
Il est parfois utile de revisiter sa propre histoire pour éclairer les enjeux actuels : Voici en plusieurs étapes, notre parcours depuis 1990 sur le terrain accidenté de l’épidémiologie des effets sur la santé des essais nucléaires français en Polynésie.
1-Tout a commencé le 9/16 avril 1990 par notre “mission d’étude et de rencontre“ (1) en territoire polynésien de Tahiti à MORURÉA, entièrement dévolue à la santé publique. La délégation de 9 médecins, a enquêté au moment du moratoire des tests souterrains, et a estimé “qu’il n’y avait pas à ce moment de pollution nucléaire majeure à MURUROA, sans affirmer pour autant qu’il n’y avait pas de risques“. Par ailleurs, notre délégation a découvert un impact considérable social des essais dans plusieurs domaines comme le déplacement de population : Les anciens et actuels travailleurs du Centre d’Expérimentation du Pacifique (CEP) ne sont pas retournés sur leur atoll, mais étaient entassés dans la banlieue de Papeete (FAA). Il y a eu aussi un bouleversement écologique, une modification drastique des structures sociales traditionnelles, une montée impressionnante de l’alcoolisme du tabagisme avec une alimentation transformée (faite de graisses animales et de produits importés en conserve au lieu des produits de la pêche et les légumes locaux). Nous avons pu mesurer les conséquences majeures sur la santé en terme d’obésité, de diabète et d’hypertension artérielle. Si cette population a eu des impacts sanitaires des retombées radioactives, elle a aussi subit cette co-exposition de ces marqueurs indirects liés aux essais. Nous avons alors conclu au sujet des conséquences sanitaires des essais atomiques : “Il y a urgence a mettre en route une étude médicale, biologique et épidémiologique complète… pour prendre en compte les données géographiques et culturelles de la Polynésie“ (1).
Nous avons ainsi rejoint les nombreux demandeurs d’enquêtes épidémiologiques complètes, mais nous n’avons pas répondu aux questions pratiques : une épidémiologie pour quel échantillon ? En rapport avec quelle population ?
Par exemple, s’il s’agit des travailleurs autochtones déplacés sur les 3 sites des essais, à partir de quelles données sanitaires ? Leurs dossiers santé que nous avons consulté ne contenaient aucune indication de radioprotection, et pour la population entière, sur quelles données ? Pouvait-on s’appuyer les embryons de “cahier du cancer“ particulièrement discutable ?
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Quel mode d’emploi pour comparer 2 études épidémiologiques ? UN EXEMPLE : Comparaison entre le Canada et la France pour la mortalité des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants. par le Dr A. BEHAR
1-PREMIÈRE ÉTAPE : Différences et similitudes des 2 populations étudiées :
Comment apprécier le choix d’une population particulière objet de l’étude, ici de travailleurs exposés aux rayonnements ionisants versus la population totale du pays concerné ?
L’APPROCHE QUANTITATIVE; Il ne faut pas se laisser impressionner par le nombre de sujets recrutés mais réfléchir sur les différences : Elles concernent d’abord LES EFFECTIFS: 206.620 sujets pour le Canada, 59.004 pour la France. Attention l’effectif Canadien est comparé à une population globale canadienne de 39 millions alors que la population française est de 67 millions, ce qui rend encore plus efficace l’étude canadienne.
L’APPROCHE QUALITATIVE : Elle permet de répondre aux interrogations soulevées par la disparité des effectifs. Derrière la disproportion des chiffres il y a surtout une différence qualitative ; L’étude canadienne comprend tous les travailleurs soumis aux rayonnements ionisants, ceux de l’industrie et des centres d’études, centrales comprises , avec les travailleurs de la maintenance, mais aussi les dentistes et collaborateurs, 43 240, et les utilisateurs en médecine : 73.060. Il ne reste que 38% des effectifs pour leur CEA, et 6% pour les centrales. L’étude française ne concerne que le CEA, AREVA et EDF sans les travailleurs de la maintenance, les plus exposés et sans les établissements militaires. Il faut en tenir compte avant même la lecture des résultats.
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In Memoriam: Dr. Victor W. Sidel, ancien co-Président de l'IPPNW
January 31, 2018
Victor Sidel a toujours soutenu l'AMFPGN, par exemple il était en tête de notre manifestation contre la reprise des essais nucléaires par Jacques Chirac, en
1995.
Victor W. Sidel, MD, a visionary medical leader and founding member of Physicians for Social Responsibility (PSR), died on January 30, 2018 in Greenwood Village, Colorado. Dr. Sidel's 60 years of advocacy invigorated the American medical and public health communities for the cause of peace and nuclear disarmament.
Dr. Sidel founded PSR in 1961 after meeting Dr. Bernard Lown, a cardiologist at Harvard University. He inspired physicians and health professionals to take responsibility to prevent nuclear war.
Later, Dr. Sidel became a co-president of PSR's global affiliate, International Physicians for the Prevention of Nuclear War (IPPNW), recipient of the 1985 Nobel Peace Prize for achieving the Limited
Nuclear Test Ban Treaty. Dr. Sidel also served as president of the American Public Health Association (APHA) during the height of the nuclear freeze movement. When Dr. Sidel was APHA president, he
established precedent by calling the prevention of nuclear war a public health priority during the APHA annual meeting.
Dr. Sidel was the author of numerous books and articles about the human consequences of war, international health, and the impact of poverty and deprivation on health and well-being. He was coeditor with Dr. Barry Levy of War and Public Health, Terrorism and Public Health, and Social Injustice and Public Health, all published by Oxford University Press.
Dr. Sidel was chair of the Department of Social Medicine at Montefiore Medical Center in the Bronx, New York from 1969-1985. He then became Distinguished University Professor of Social Medicine at Montefiore and the Albert Einstein College of Medicine.
RÉSOLUTION DU CONGRÈS DE L’IPPNW à YORK (UK), [Septembre 2017]
C’est en tant que médecins, étudiants en médecine et autre citoyens concernés réunis à l’Université de York pour le Congrès International « La Santé par la Paix 2017 » et le 22ème Congrès Mondial de l’IPPNW que nous sommes ici pour célébrer un premier succès dans la campagne globale mondiale pour débarrasser le monde des armes nucléaires.
Le nouveau traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN), adopté le 7 juillet à l’ONU par une large majorité d’Etats Membres des Nations Unies, est un pas essentiel vers l’élimination définitive des armes nucléaires. Pour la première fois les armes nucléaires ont été explicitement condamnées et déclarées illégales à cause de leurs conséquences médicales, environnementales, persistent à s’accrocher à leur possession en contradiction avec une puissante nouvelle norme internationale.
Le concept d’”impact humanitaire” qui a conduit au traité a été soutenu par un nombre sans précédent d’Etats, d’organisations internationales, de sociétés civiles déterminées à sortir le débat sur le désarmement nucléaire des discours sur les intérêts stratégiques et sécuritaires des états dotés et non dotés et se concentrer sur les conséquences catastrophiques des armes nucléaires sur le plan médical, environnemental et humanitaire, touchant tous les pays, sans distinction de qui les possède ou non.
L’IPPNW peut être fier du rôle que nous avons joué avec le lancement d’ICAN en 2007 tout au long de cette décennie En quelques années,
ICAN s’est développé par une campagne globale c de plus de 400 organisations coalisées dans plus de 100 pays, avec l’IPPNW en tant que partenaire médical leader, fournissant
des données scientifiques circonstanciées sur les conséquences sur la santé et l’environnement, base du Traité d’interdiction.
A trois reprises nous avons présenté, lors de conférences internationales successives les conséquences humanitaires de l’impact des armes nucléaires, puis à la réunion suivante des Nations Unies, conduisant ainsi aux pré-négociations du Traité, puis aux négociations elles-mêmes
Nous n’avons et n’aurions pas pu faire cela tout seuls. En plus de notre partenaire ICAN qui a coordonné une extraordinaire et active campagne de lobbying pour soutenir le Traité, nous étions rejoints par lle Comité International Croix-Rouge-Croissant-Rouge, et d’autres organismes majeurs de santé tels que l’Association Médicale Mondiale ( WMA), le Conseil International des Infirmières (ICN), et la Fédération Internationale des Associations de Santé Publique (WFPHA).
Nous sommes très reconnaissants à nos collègues du CICR qui nous ont aidés à assurer que le Traité serait totalement établi sur les principes des Lois humanitaires Internationales. En travaillant avec l’IPPNW sur un document de travail résumant les preuves concernant les conséquences sur la santé et l’environnement des armes nucléaires et d’une guerre nucléaire- un document qui devint ainsi un document officiel pour la conférence de négociation. le WMA, l’ICN, et le WFPHA ont ajouté leur poids et leur prestige représentant toute la communauté internationale des professions de santé pour stigmatiser les armes nucléaires et demander leur interdiction et leur élimination.
Le Traité d’interdiction existe aujourd’hui grâce à la collaboration stratégique de plusieurs états, d’organisations internationales et de groupes de la société civile qui sont déterminés à assurer une nouvelle forme de leadership pour le désarmement nucléaire. L’attention portée à l’édification d’un mouvement médical, soulignée par l’association du Forum MEDACT “La Santé par la Paix”, avec le Congrès Mondial de l’IPPNW, offre des clefs pour construire et nourrir ces collaborations qui doivent maintenant se consacrer à valider le Traité lorsqu’il sera ouvert à la ratification aux Nations Unies à partir du 20 Septembre.
Une ratification par 50 états est nécessaire pour valider le traité. Obtenir ces ratifications représente notre objectif de campagne immédiat. Avec ce nouvel outil en main, d’un poids légal, moral et politique considérable, nous pouvons augmenter la pression sur les états dotés et non dotés et les amener, en accord avec le Traité, à l’élimination complète et irréversible des armes nucléaires, des vecteurs de transport (sous-marins, avions, missiles) et des infrastructures. C’est seulement quand nous aurons atteint cet objectif d’abolition des armes nucléaires que nous serons certains de prévenir la guerre nucléaire.
Même avec ce Traité en main, nous affrontons de redoutables défis. Les pays dotés et les pays non dotés dépendants, qui ont boycottés les négociations et ont déclaré leur refus de rejoindre le Traité ou de respecter ses prescriptions, sont déterminés à conserver leurs armes nucléaires le plus longtemps possible. L'ensemble des 9 états dotés disposent toujours de 15000 armes nucléaires au total, et sont en train d’investir des centaines de milliards de dollars dans des arsenaux plus sophistiqués et modernisés. Le risque de voir ces armes nucléaires utilisées augmente chaque jour, pas seulement à cause de la détérioration de la situation en Corée du Nord, mais aussi parce que les armes nucléaires, de par leur présence, sont déstabilisantes, en Asie du Sud, au Moyen-Orient et en Europe, avec le retour des tensions de la Guerre Froide entre les USA et ses alliés de l’OTAN d’un côté et de la Russie et les états de la CEI de l’autre. Une escalade à partir d’une quelconque de ces zones de conflits pourrait conduire à l’utilisation des armes nucléaires contre des villes et leur population pour la première fois depuis Hiroshima et Nagasaki. Si nous nous aventurons au delà de cette ligne, l’hypothèse de l’extinction de l’humanité au cours d’un hiver nucléaire ne peut être écartée.
Nous savons par expérience que la stigmatisation et l’interdiction des ces armes inacceptables est le premier pas vers leur élimination. Depuis les années1990 la participation de l’IPPNW à la campagne pour interdire les mines anti-personnel, et les munitions à fragmentations, et pour imposer de fortes restrictions au trafic des armes légères a eu un impact positif en sauvant des vies et en réduisant le carnage du à la violence armée. Au Traité d’interdiction des Mines anti-personnel, à la Convention sur les Armes à fragmentation, et au Traité sur le Commerce des Armes, nous avons ajouté aujourd’hui un Traité qui explicitement déclare illégale la plus terrible des armes.
Malgré cela, il reste encore beaucoup à faire. Alors que la guerre nucléaire
mets toute l’humanité en danger, la violence armée sous quelque forme que ce soit détruit chaque année d’innombrables vies et sabote nos efforts pour fournir santé, bien
être et sécurité aux peuples de la planète.
A ce Congrès de York, nous avons confirmé notre engagement permanent pour un monde dédié à la Paix et la Santé, et où les armes nucléaires seront abolies pour toujours.
Introduction : La problématique essentielle des irradiations des organismes est principalement la cancérisation des cellules somatiques. La nature a mis au point des systèmes de protection pour notre santé, et pas seulement dans le cadre des cancers induits. Ces systèmes in situ peuvent être atteints par les rayonnements ionisants et dans ce cas le mécanisme de défense au sein du génome fonctionnera mal. L’irradiation corporelle se produit de 2 façons : par exposition et par contamination. L’exposition dite exposition externe est l’agression sur l’organisme des différents rayonnements alpha, beta, gamma, sans oublier l’émission particulaire des neutrons. La contamination résulte de l’ingestion, l’inhalation et/ou la pénétration transdermique de particules radioactives, qui continuent d’émettre in vivo. L’organisme récepteur devient alors lui-même source radioactive. La contamination est de loin la plus grave agression car elle comporte le risque de décès le plus élevé. Les effets d’une contamination ou d’une exposition à forte dose, dits effets déterministes sont connus. Par contre les effets à faibles doses, dits effets stochastiques, ont un impact aléatoire dans le temps sur les tissus atteints. Le génome, propre à chaque individu, va se comporter différemment pour lutter. Il est donc compréhensible que les études inhérentes à établir une preuve conséquente de maladie et/ou de décès à ces effets stochastiques, soient difficiles à établir. Seules les études épidémiologiques de cohortes de victimes correctement choisies peuvent démontrer une relation objective entre l’impact des radiations survenues plusieurs décennies avant et les maladies qui en résultent. La difficulté essentielle de ces études épidémiologiques consiste à trouver des groupes homogènes aussi bien dans la population irradiée que dans la population témoin. Pour lire la suite, télécharger le fichier ci-dessus.
Après des siècles d’obscurantisme et de magie noire en Europe, la médecine moderne s’est créée sur les principes de la raison : pas de causes sans effets, pas d’effets qui ne soient reliés à une cause. Il ne suffit pas de le proclamer, il faut en apporter la preuve expérimentale. Après d’immenses découvertes successives et des progrès fulgurants dans le diagnostic, le vertige du succès va envahir la profession : c’est alors que se produit le glissement des principes vers un déterminisme péremptoire mais si reposant pour les praticiens. A chaque maladie une seule cause : à la tuberculose, le bacille de Koch ; à la syphilis, le tréponème pâle et le test de Wassermann pour en faire le diagnostic d’où le “BW“ si populaire dans les hôpitaux (on y ajouta Bordet, le traducteur de l’allemand). Devant tout phénomène pathologique, il suffit de faire le test clef pour le classer dans les innombrables “formes cliniques“ (voir toutes les maladies attribuées à la syphilis parce que certains patients avaient aussi, hélas, un BW+).
Cette euphorie a marqué nos anciens, même si des voix rappelaient le rôle de la biologie spécifique des individus appelée “terrain“ comme le proposait Hahnemann, sans succès puisque le déterminisme avait envahi tous les esprits.
Le 20ème siècle a en partie balayé cet absolutisme, et la création d’un nouveau paradigme, “les maladies de l’environnement“, va constituer un tournant majeur ; la chaîne des effets et des causes n’est pas rejetée sauf sur un point décisif : dans ces pathologies la cause est toujours multifactorielle, autrement dit, on ne peut pas se limiter à un seul facteur, fût-il dominant, d’autres ont une importance cruciale même si leur nature est très différente. C’est le cas des radionucléides qui sont toxiques chimiquement et radiologiquement, mais surtout qui agissent en corrélation avec de nombreux éléments pas radioactifs du tout (chimiques, biologiques etc.)
Cette manière de raisonner en médecine pour la recherche étiologique, ici multifactorielle, est très difficile car elle exige beaucoup plus d’esprit critique, beaucoup plus de vigilance sur les preuves expérimentales, et plus de modestie dans nos conclusions ; ainsi, la bronchiolite de mon jeune patient est elle liée aux particules fines du diésel, au pollen, aux acariens ou les trois à la fois ?
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mars 2015.
Par A.BEHAR
[NDLR : Au cours des formations pour les médecins généralistes en partenariat avec la SFMG, cette question s’est trouvée au centre des demandes des collègues. Ce texte est une première tentative de réponse]
C’est grâce au suivi des populations en santé publique, dans les vastes zones radio contaminées actuelles, suite aux accidents nucléaires militaires et aux essais atomiques, que l’on a appris la nature exacte des enjeux de santé. Maintenant, les accidents nucléaires civils prennent le relai avec des similitudes et des différences mais avec un point commun : l’existence de populations nombreuses qui vivent en permanence dans ces zones contaminées chroniques.
Juillet 2014.
LES FAITS: Voici l’application concrète par l’Euratom (décembre 2013) de la déclaration de la commission internationale pour la protection contre les rayonnements ionisants (CIPR) du 21 avril 2011 souhaitant un abaissement du seuil d’apparition des cataractes induites à 0,5 Gray, et la limite annuelle de dose équivalente à 20 mSv:
“Pour les travailleurs susceptibles d’être exposés, la directive introduit une limite annuelle de dose efficace de 20 millisieverts (mSv), en remplacement de la valeur de 100 mSv sur cinq années consécutives. Dès 2003, cette limite avait été inscrite dans le code du travail (20 millisieverts sur 12 mois consécutifs). Toutefois, la limite de dose équivalente de 150 mSv sur 12 mois consécutifs pour le cristallin (œil), devra être modifiée et réduite à 20 mSv par an”. (1)
La directive de l’Euratom sera intégré dans notre code du travail en 2014 sauf la révision du délai maximal d’apparition de la cataracte après irradiation toujours fixé à dix ans et sans modification de la liste actuelle des maladies retenues pour indemniser les vétérans.
RAPPEL DES ÉPISODES ANTÉRIEURS.
La cataracte radio induite est reconnue depuis longtemps, elle figure dans le tableau N°6 des maladies potentiellement liées à l’exposition aux rayons ionisants de 1946, mais elle n’est retenue que pour des irradiations massives (2 à 5 Gray) avec destruction totale du cristallin. Donc, les vétérans exposés aux essais atmosphériques ne peuvent pas faire valoir leurs droits même s’ils ont une atteinte particulière du cristallin (ou par ailleurs une rétinopathie). Pour lire la suite, télécharger le fichier ci-dessous.
Mars 2013. par le Dr. A.BEHAR
Depuis sa création, l'AMFPGN a structuré son action autour d'une constatation simple, émise par notre président fondateur Pierre PERNIN; "En cas de conflit nucléaire, inutile d'appeler votre médecin", autrement dit, il n'y a aucune possibilité curative, seule la prévention est efficace. Au delà d'Hiroshima et Nagasaki, un autre chalenge est apparu: celui des accidents graves voire des catastrophes du nucléaire militaire comme à Mayak en Russie, ou du nucléaire civil comme à Tchernobyl et Fukushima. La destruction directe ne s'y retrouve pas comme après une bombe atomique, mais les effets durent longtemps et laissent une menace équivalente pour les populations concernées que celles qui a pesée sur les "hibakushas". La contamination radioactive, de l'air des sols et surtout des vivants n'en finit pas. La rivière "TECHA" charrie toujours de la radioactivité en Sibérie après la catastrophe de Mayak dans l'Oural, par exemple. Dans ces cas aussi il n'y a pas de traitement curatif, la prévention reste la seule arme mais il s'y ajoute la gestion médicale à long terme des victimes actuelles et de leur descendance.
C'est dans cet état d'esprit que nous nous proposons de tirer un premier bilan un an après de FUKUSHIMA sous le seul prisme de la santé et avec une seule cible; la place des médecins praticiens
confrontés à cette situation.
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Par F. COHEN BOULAKIA, A.BEHAR
Nos lecteurs se souviennent sans doute de la triste histoire du polygone de tir italien de QUIRRA en Sardaigne (MGN, 2, juin 2012), avec les conséquences sanitaires pour les bergers (et leurs moutons) d'une pollution aux métaux lourds avec en tête le THORIUM 232.
Un courageux procureur avait inculpé 20 hauts dirigeants concernés par cette catastrophe et avait réussi à faire de cette affaire un enjeu national. L'OTAN, locataire payant des lieux était en accusation et nos missiles "MILAN" aussi. Le dernier bilan fait état de 1180 missiles avec leur indicateur au thorium, tirés de 1986 à 2004.
La suite des événements est la suivante:
- Le 5 mai 2012, le thorium est effectivement détecté dans les différents échantillons officiellement prélevés, dans le sol, les moutons et les os des bergers décédés, avec d'autres métaux lourds, mais pas d'uranium ± appauvri.
- Le 30 mai 2012, le sénat italien sur avis de sa commission d'enquête décide la pose d'une clôture autour du polygone de QUIRRA, un arrêt définitif des exercices de tir et la reconversion du polygone en zone de recherche de nouveaux systèmes d'armes, essentiellement des drones.
- Le 8 novembre 2012, l'instruction du procureur pour empoisonnement collectif est suspendue eu égard au non respect des droits de la défense, et le chef d'accusation remanié et portant uniquement sur les métaux lourds.
- En 2013, le ministre de la défense annonce avec éclat un budget de 75 millions d'euros (sur 3 ans) pour "bonifier" le site militaire, et présente cette décision comme une grande victoire pour la Sardaigne.
Il faudra bien vite déchanter: le sénateur (vert) de Sardaigne, MAURO BULGARELLI, découvre qu'en réalité le budget de "bonification" concerne 13 polygones italiens dont 3 en Sardaigne. De plus, le délai de 3 ans pour le nettoyage parait dérisoire, l'estimation pour le seul polygone de QUIRRA suppose un budget de 600 millions d'euros avec 30 ans de travaux!
Retour sur les lieux
En septembre 2013 nous sommes allés sur les lieux pour inspecter et tenter de faire un bilan local:
- Nous avons constaté la mise en place d'une clôture en fer avec un grillage serré tout autour du polygone, en ménageant un chemin de ronde que nous avons emprunté (surveillé de près par les carabiniers). Au sommet de la colline, autour de la tour de contrôle, il y a bien des bâtiments protégés, avec une activité visible de l'extérieur.
- Il n'y a pas de moutons ni de bergers dans la zone, sauf quelques chèvres en bordure du polygone.
La population, du moins celle que nous avons rencontrée, reste très concernée par le futur de QUIRRA, et elle reste très amère sur l'absence de reconnaissance des victimes Sardes par l'état italien. Les efforts des autorités pour faire oublier "le syndrome de Quirra" semblent inefficaces chez les Sardes. "Les droits de la défense" sont perçus ici par de simples gens vivant au sud de l'île autour de Cagliari, comme un moyen pour enterrer l'affaire et empêcher toute enquête approfondie.
Comme dans d'autres situations d'intoxication collective par déchets radioactifs (avec sa double toxicité, chimique et radiotoxique), le droit des victimes ne pèse pas lourd. Le chemin vers la justice est encore long, nos vétérans des essais nucléaires français en savent quelque chose!
par le Dr A.BEHAR. mars 2011.
Ceux qui nous gouvernent ont-ils des yeux pour voir? A la mémoire de l'adjudant chef MULLER, mort sans que l'on lui rende justice.
Lire le commentaire tout en bas concernant la diminution des limites de dose au cristallin par la CIPR 2012.
On peut résumer ainsi la position des instances compétentes :
Les cataractes secondaires à une irradiation existent, elles sont reconnues par les lois, mais elles sont rares, car il faut des doses de rayons énormes (2 à 5 Gray) pour les déclencher. Elles sont de plus d'apparition rapide et totalement curables.
Il est possible que la rétine soit touchée par l'irradiation, mais les doses nécessaires sont encore plus élevées (50 Gray) et hors de proportion avec les doses délivrées lors des essais atomiques. Si les yeux des travailleurs sur les lieux des essais ont été (plus ou moins) protégés, c'est uniquement contre les lésions de l'éclair lumineux au moment de l'explosion.
Donc, les vétérans des essais nucléaires ne peuvent avoir en droit des cataractes radio induites ou des atteintes retardées de la rétine ; évoquer cette étiologie pour
ceux qui ont tardivement présenté ces maladies est hors sujet.
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Janvier 2012.
Par le Dr. A. BEHAR
Avec nos amis de l'association des vétérans des essais nucléaires (AVEN), nous avons bataillé fermement pour avoir cette loi. Nous voulions qu'enfin les vétérans de tous les essais atomiques français soient reconnus comme des victimes avec, en guise de gage tangible, une indemnité. Avec un an de recul, il est temps de décortiquer l'épouvantable mystification dont ils sont, une fois de plus, les dindons de la farce.
LE DIABLE SE CACHE TOUJOURS DANS LES DÉTAILS.
Durant la grande bataille parlementaire et après des compromis successifs, un glissement sémantique s'est peu à peu imposé. A la présomption d'origine, définie médicalement comme la raison du départ d'un processus pathologique, on a substitué la présomption de causalité, notion universelle qui consiste à dire que tout effet est forcement précédé d'une cause certaine ou probable. Les juristes n'y ont pas attaché d'importance et cette substitution a même été perçue comme une grande victoire, puisque les maladies radio induites étaient enfin reconnues comme secondaires à une cause précise: l'irradiation par l'explosion atomique.
Deuxième grande bataille remportée de haute lutte par les parlementaires face au gouvernement: "la réversion de la charge de la preuve". L'idée est simple, c'est au pouvoir exécutif a apporter la preuve de la non existence d'une relation dose effet pour chaque cas particulier, et non au plaignant de constituer un dossier à charge prouvant la responsabilité du pouvoir. Conséquences pratiques et logiques: puisque le gouvernement devient l'unique responsable de la "non preuve". Celui-ci, par le décret du 11 juin 2010, a donc créé une commission d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) pour remplir cette mission. La CIVEN en a tiré en conséquence 2 principes:
1- La présomption de causalité devient probabilité de causalité (PC), si celle-ci est "négligeable", la CIVEN peut rejeter légitimement la requête du plaignant.
2- Une probabilité cela se calcule par un logiciel (la commission a choisi le software "NIOSH-IREP"). Dans ce cas, l'incertitude devient uniquement mathématique.
Tout se qui concerne médicalement le plaignant, l'histoire de sa maladie, l'appartenance ou non à un groupe à risque, les maladies intercurrentes… disparaît. De même toute considération biologique comme l'inhomogénéité de la dose, la variabilité des réponses à l'irradiation, le cas particulier de la contamination radioactive, disparaissent.
Le résultat ne s'est pas fait attendre, 2 dossiers retenus sur 200, un mince espoir pour 3 ou 4 autres, et pour l'immense majorité des "irradiés de la République", une réponse simple et sur "des bases scientifiques" de la CIVEN: ils ne sont pas des victimes!
Pour comprendre comment on en est arrivé là, il nous faut décrypter pas à pas la démarche diabolique de la CIVEN, strictement à l'opposé de la volonté du législateur.
NIOSH-IREP, C'EST QUOI AU JUSTE?
Littéralement: National institute for occupational safety and health et inter-active radioépidémiological program. Que l'on peut traduire par "institut national de la médecine du travail et de la sécurité.", auteur du "programme interactif radio épidémiologique". D'où la nombreuse littérature scientifique autour de la question suivante, que viennent faire les vétérans des essais nucléaires dans cette galère? Cela mérite un historique particulier.
Tout à commencer avec l'introduction de la "probabilité de causalité" dans l'indemnisation des vétérans des essais US et des soldats ayant séjourné à HIROSHMA ou NAGASAKI en 1945.L'objectif est d'obtenir une couverture sociale pour les soins des vétérans (la sécurité sociale n'existe pas, ni aux USA, ni au Japon). Très vite, les ayant droits sont définis par une liste de maladies dites radio induites, qui ne cesse de s'allonger, et de proportionner la petite indemnisation versée, pour qu'elle cesse d'être uniforme, mais conforme au dommage effectif du vétéran. Il n'y a en effet aucune égalité dans le préjudice d'une cataracte et d'un cancer du pancréas, tout deux radio induits. Pour répondre à cette demande des vétérans, en octobre 2000, un mode particulier de calcul par ordinateur est conçu par le NIH (national institute of health, institut nationale de la santé qui ressemble en partie à notre AFSSAPS). Ce programme appelé "NIH-IREP" voit le jour. Il tient compte notamment du genre d'irradiation subit par la victime (rayon gamma, particules ou irradiation neutronique). Il permet d'établir une échelle d'indemnisation, de 100 à 10 000 $, avec le bénéfice du doute constamment attribué au plaignant.
Dans un deuxième temps, la probabilité de causalité à fait irruption dans le traitement judiciaire des plaignants travailleurs du nucléaires, militaires d'abord puis civils, pour quantifier les dommages-intérêts, pour exposition professionnelle excessive aux rayonnements ionisants. Les travailleurs revendiquent à leur tour le bénéfice de la très longue liste des maladies radio induites pour les vétérans, plus avantageuse dans leur cas, même si elle est quasi exclusivement faite de maladies cancéreuses. Il a fallut de toute urgence établir un contre poids, et c'est ainsi qu'en 2009 est né le logiciel NIOSH-IREP.
Ce logiciel repose sur 3 postulats de base:
1- Il propose des probabilités d'effets causes calculées, et donc uniquement mathématiques, en évacuant toute référence biologique. Il utilise des critères épidémiologiques venant d'une population extérieure, et l'applique à un seul individu, ce qui est possible en probabilité mais est une hérésie en statistique.
2- Ces probabilités calculées supposent qu'à toute dose de radiations correspond de façon immuable un effet déterminé, en l'occurrence, une maladie inscrite sur la liste officielle US. C'est une interprétation très particulière du modèle "linéaire sans seuil" utilisé en radioprotection. Ici, l'incertitude mathématique est la seule retenue et elle conduit directement au concept de probabilité de causalité (PC)
3- Cette PC est calculée en fonction d'une dose estimée et non mesurée, ce qui renvoie à un autre seuil, celui du logiciel lui-même. Celui-ci est estimé à 200 mSv pour certains auteurs américains, ou à 100 mSv pour d'autres.
COMMENT FONCTIONNE LE LOGICIEL NIOSH-IREP ?
La base de données du NIOSH-IREP est constituée uniquement à partir des études de mortalité d'une cohorte de survivants d'HIROSHIMA et NAGASAKI (les "Hibakushas"). Il s'agit de l'étude vie entière dite LSS, dernière évaluation publiée en 2004. Cette base de données va s'appliquer pour la morbidité, c'est à dire à l'apparition de maladies radio induites professionnelles des travailleurs du nucléaires aux USA.
Une question vient tout de suite à l'esprit: comment est-ce possible? Voici les étapes de cette curieuse démarche:
*Dans l'étude LSS, on compare deux populations, les hibakushas et une population japonaise témoin, en évaluant par maladie mortelle l'excès de cas chez les survivants sous forme de risque relatif (RR)
RR= RISQUE HIBAKUSHAS / Risque population témoin + risque Hibakushas
Ceci pour chaque groupe de décès répertorié. L'idée est la suivante, si RR>1, il y a un lien vraisemblable entre l'irradiation estimée et les décès lié à une pathologie précise. Le problème, lié au type d'évaluation de la dose théoriquement reçue par les survivants selon leur emplacement géographique au moment de l'explosion, en est la conclusion tirée par les auteurs de l'étude LSS: La RR est rapportée au détriment de dose, dont l'unité est le SIEVERT.
*Très vite, les auteurs ont abandonné cette mesure qui par définition n'a pas de valeur ZÉRO. Ils vont définir un excès de risque relatif ERR où ERR= 1- RR. Dans ce cas , si RR=1, ERR = 0. Si RR=2, ERR=1 autrement dit, 100% par Sievert. La figure 1 montre un exemple avec une population de survivants, exposés à l'âge de 20 à 39 ans où ERR= 0,05 soit 5% par Sievert.
*C'est ici que rentre en scène le logiciel NIOSH-IREP. Il va, à partir de l'ERR par Sievert et par organe, extrait de l'étude LSS, calculer une densité de probabilité en estimant l'intervalle de confiance à 99%. Puis, dans cette forêt de pics de probabilité ainsi calculée, dans certains cas par la méthode de Monté Carlo, choisir arbitrairement une probabilité à 50% figure 2.
Voici quelques exemples tirés de la littérature américaine et en conformité avec le "code of federal regulation" d'octobre 2010.
Exemple N°1: sujet exposé en 1978, cancer du pharynx en 1998, valeur estimée de la dose: 90 mSv, PC (50%)= 0,40 % (en France son dossier serait rejeté)
Exemple N°2: cancer du foie après 30 ans d'exposition, dose cumulée: 100 mSv pour un homme; PC(50%)= 14,16%, pour une femme, même dose cumulée: PC= 8,34%
Exemple N°3: cancer du poumon masculin après 30 ans d'exposition, dose cumulée 150 mSv, PC (50%)= 9,15%, s'il était fumeur: 1,96%.
Dans la brochure de la CIVEN, on a retenu l'exemple suivant; Leucémie myéloïde aigue, date d'exposition 1980, dose attribuée, 50 mSv, maladie en 2000, PC(50%)= 1,13%! Miracle, ce dossier
serait accepté même a cette dose "faible". Mais en examinant les documents américains on a la réponse; le logiciel fut modifié uniquement dans ce cas, car la réponse du logiciel était trop éloigné de
la réalité. Pour booster la PC, on a introduit pour ce cas un modèle quadratique plus favorable.
LES CRITIQUES DES SCIENTIFIQUES AMÉRICAINS.
Dès l'adoption de NIOSH-IREP pour les travailleurs exposés plaignants et l'extension aux vétérans des essais nucléaires US, une pluie de critiques s'est abattue sur ce logiciel. On peut citer: RICHARDSON DB, BZHLING UH, KOSHER D C, sans oublier l'association américaine des vétérans des essais nucléaires. On peut regrouper en 4 chapitres, les critiques les plus souvent rencontrées.
1- Les incertitudes statistiques des études épidémiologiques en général, et LSS en particulier. -Première remarque: la fréquence des maladies inscrites sur la liste des 21 pathologies radio induites est différente dans la population non irradiée (prises comme témoin) du Japon, sur qui est basée la comparaison, avec la population non irradiée américaine. Si on se souvient du rapport permettant de calculer RR, indiscutablement le dénominateur du rapport joue un rôle crucial. Par exemple, dans la population iranienne, la fréquence des cancers de l'œsophage est considérable (attribuée à l'ingestion de thé brûlant). Si on se servait de cette population comme témoin pour mesurer l'ERR des cancers de l'œsophage radio induits en France, on aurait une PC négative! -Deuxième remarque, la mortalité par cancer ou leucémie a fort heureusement fortement diminuée depuis 1950. De ce fait, les évaluations de LSS qui ne prennent en compte que la mortalité et non la morbidité, sont biaisées. Par exemple, on a décelé jusqu'à 6 cancers différents successifs chez certains hibakushas vivants et donc non décomptés dans LSS. On aboutit au paradoxe suivant, les cancers multiples sont bien pris en compte pour les travailleurs exposés et les vétérans, mais à partir des ERR des survivants japonais décédés!
2- L'incertitude sur l'exposition aux radiations. Au delà des différences entre irradiation externe et contamination interne, les auteurs américains pointent une différence majeure entre hibakushas, exposés à un fort débit de doses au moment de l'explosion et le très faible débit de doses qui est le plus souvent l'apanage des travailleurs exposés. Le logiciel prend en compte cette irradiation chronique, mais se base sur les ERR des japonais survivants exposés à de fortes doses. Autre problème, les hibakushas ET les vétérans ont eu une exposition, en plus des autres irradiations, à des flux de NEUTRONS , dont les effets biologiques sont très différents, et leur mesures quasi impossible par les moyens classiques. Par contre, ce n'est généralement pas le cas pour les travailleurs exposés. Mettre ces 2 populations dans la même mesure de la PC apparaît comme excessif.
3- Les incertitudes sur le caractère automatique du rapport dose/effet. Celui-ci est fixé immuablement par l'ordinateur. Cette rigidité est particulièrement relevée pour une variable particulière: l'âge du sujet au moment de l'exposition. Dans le logiciel NIOSH-IREP, L'ERR par unité de dose est supposé constante quelque soient les circonstances de l'exposition alors que les épidémiologistes et les radio biologistes savent que les effets varient de façon drastique selon l'âge.
4- L'incertitude du transfert de risque entre différentes populations. Sans revenir sur les différences entre japonais et américains, les auteurs soulignent la grande variété et les fortes différences entre les vétérans des essais et les travailleurs exposés. Le transfert de principe, automatique de l'un à l'autre, leur apparaît comme un vice de forme.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'utilisation de NIOSH-IREP ne fait pas l'unanimité. Par exemple, la commission spécifique des vétérans US demande l'utilisation conjointe avec l'autre programme NIS-IREP, voir un retour aux anciennes pratiques à partir des 2 listes, celle des 21 types de cancers et celle des maladies potentiellement radiogéniques. Cette situation n'a troublé en rien la CIVEN, qui a adopté sans état d'âme et sans réserve NIOSH-IREP, en affirmant péremptoirement qu'il s'agissait de la crème de la crème de la science.
COMMENT LA CIVEN S'Y PREND POUR RECUSER LA QUASI TOTALITÉ DES DOSSIERS DÉPOSÉS PAR LES VETÉRANS?
La mécanique mise en place par la loi pour rejeter la quasi totalité des recours des victimes des essais est liée à la remise de tous les pouvoirs à la CIVEN et donc au blanc seing pour ses manipulations. A partir des concepts de "présomption de causalité" et "inversion de la charge de la preuve", la CIVEN va pouvoir se consacrer uniquement à détecter le "risque négligeable". Tout tourne principalement sur la manipulation des doses attribuées (en fait des détriment de doses). Les hypothèses sont les suivantes:
- On utilise la règle de base de la radioprotection, c'est à dire le modèle linéaire sans seuil pour le lien dose/effet, que l'on va détourner de son contexte
- On attribue à une victime des essais, qui apporte la preuve de sa présence sur les lieux des essais, une dose dérisoire, s'il n'apporte pas le relevé des mesures effectuées par les dosifilms (inexistants pour la majorité des sujets), une dose infime: 0,2 mSv, ce qui est la limite technique de détection. On aboutit au paradoxe suivant, ce vétéran, qui apporte la preuve de son exposition aux radiations aura une dose attribuée inférieure à celle d'un sujet non exposé! Il suffit ensuite de faire agir NIOSH-IREP, pour avoir un PC quasi nulle et le tour est joué.
- On ne retient que le temps de séjour sur les lieux des essais considéré comme "exposition chronique", ce qui est loin du temps retenu pour les travailleurs exposés avec une dose cumulée sur 20 ou 30 ans!
Par ailleurs, il y a eu un grand débat au parlement pour récuser le seuil de 100 mSv pour accepter l'existence d'une maladie radio induite, réclamé par les nucléaristes. Le parlement a gagné, mais grâce à l'astuce de la PC, ce qui a été renvoyé par la porte est revenu par la fenêtre. Comment? Parce que le seuil mathématique de NIOSH-IREP se situe selon les auteurs entre 100 et 200 mSv pour une PC (50%) à 1%. Enfin, grâce à la magie de l'ordinateur, ce qui était une évaluation collective exprimée par l'ERR, devient la norme pour l'organe malade d'un individu donné. Et pourtant, pour lui, la probabilité réelle est de 100% puisqu’il est effectivement atteint d'une maladie radio induite inscrite sur la liste!
Voilà comment une loi, supposée régler le problème de la reconnaissance par notre pays des dommages collatéraux des essais nucléaires, aboutit à un déni de justice.
POURTANT LA SOLUTION EXISTE.
Si on en était resté à la présomption d'origine définie par le code de sécurité sociale de 1946, où la preuve doit être apportée par le plaignant uniquement sur la véracité de son séjour en zone contrôlée. Puis, après un délai raisonnable, sur la véracité de la maladie radio induite du plaignant correspondant à la liste des pathologies retenues par la loi, le tour de passe-passe autour de la PC disparaîtrait, et justice serait rendue pour les vétérans des essais nucléaires. Il faudrait aussi retenir la liste des maladies radio induites des USA, ou 21 pathologies sont inscrites. Pour tenir compte des objections concernant le caractère uniquement tumoral des affections retenues, on pourrait dresser une seconde liste, comme aux USA, de maladies potentiellement radiogènes, capables après examen minutieux des preuves scientifiques, d'être retranscrites dans la première liste, ce qui recouvrerait la grande majorité des situations des vétérans. Reste une question:
POURQUOI LA CIVEN SE PRETE A UNE TELLE MASCARADE?
Deux thèses s'affrontent: Celle de la pingrerie de l'état qui économise plus de 90% du budget prévu par la loi. Cette thèse se heurte à une réalité: même le président de la république trouve excessif cette hyper économie eu égard à la détérioration de l'image de la France qu'elle entraîne. L'autre thèse, qui me semble plus plausible, fait référence au thème central défendu par le lobby nucléaire: "Les essais français sont TOUS propres, il n'y a donc par principe, aucune victime." La loi a battu en brèche cette affirmation, la CIVEN la réhabilite en "prouvant"que quasi aucun vétéran des essais n'est une supposée victime.
Ainsi va le paradigme de la dissuasion nucléaire; Non seulement il faut continuer à affirmer contre toute évidence que celle-ci est la seule défense possible du territoire, mais aussi marteler que les seules victimes potentielles ne peuvent être que les présumés ennemis, et en aucun cas les vétérans, militaires ou pas, et les travailleurs exposés, donc les effets collatéraux sont impossibles, par définition.
Il est grand temps de faire souffler un grand vent de vérité sur ce bastion du mensonge atomique et de s'orienter résolument vers le désarmement nucléaire.
BIBLIOGRAPHIE:
1-loi n°2010-2 sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires du 5 janvier 2010, décret d'application 2010-653 du 11 juin 2010, journal officiel.
2- Preston et al., Atomic bomb survivors, Life span study RERF, Rad Res 162, 2004
3- Richardson DB, Wing S, Hoffman W. Cancer risk from low level ionising radiation. The role of age and exposure. Occupational Med.State of review, 16,191-218,2001
4- Richardson DB, Development of CLL risk model for NIOSH-IREP, North Carolina, 2009
5- Review of the dose reconstruction program of the defence threat reduction agency, national academic press, 2003
6- Kocher David C. Considerations on estimating upper bounds of neutron doses to military participants at atmospheric nuclear tests. Center of risk analysis, Oak Ridge, Tenessee, 2008
7- BEIR VII, modifying EPA radiation risk models, office of radiation and indoor air, US env. Prot. Ag. 2006
8- Robins JM, Greenland S. The probability of causation under a stochastic model for individual risk. Biometrics, 45:1125-1138. 1989
9- U. Hans Behling, Saliant, Inc. The failure of NIOSH-IREP and the limited ability of NIOSH-IREP.To account for age at exposure/attained age. Contract No. 200-2009-28555
SCA-TR-PR2010-0008, Revision 0, 2010.
par le Dr. A.BEHAR
RESUME: La raison avancée pour refuser de faire entrer certaines maladies cardiovasculaires dans le groupe des maladies radio induites, n'est pas la contestation des données épidémiologiques, mais uniquement à cause de l'incertitude du mécanisme de l'induction par des faibles doses de radioactivité. Nous apportons ici un faisceau de données sur un mécanisme particulier, à partir des radicaux libres générés par la radioactivité dans le système circulatoire et leur nocivité sur la fonction endothéliale protectrice, dysfonctionnement qui peux conduire aux maladies cardiovasculaires dans certains cas.
La dernière étude sur vie entière (LSS 13) des survivants d'Hiroshima et Nagasaki par Preston et al (1) en 2003 montre un excès significatif de maladies cardiovasculaires. Le doute persiste malgré tout sur le mécanisme d'action des rayonnements ionisants dans la pathogénie des ces affections. Pourtant la prévalence de ces maladies est indiscutable pour les populations vivants autour de Tchernobyl, et sur les vétérans des essais nucléaires (2). Une fois de plus on est en présence d'un chaînon manquant: Les rayons ionisants produisent indiscutablement des radicaux libres chez les vivants et on constate par ailleurs un excès de pathologies cardiovasculaires chez les sujets exposés y compris aux faibles doses, mais il y a discussion sur le lien entre les deux.
En effet, même si le consensus n'est pas encore total, très majoritairement la communauté scientifique accepte les nouveaux paradigmes de la radiobiologie moderne en ce qui concerne les effets des rayonnements ionisants sur les noyaux cellulaires, c'est à dire sur l'ADN. L'effet de proximité, l'instabilité génomique et l'instabilité des mini satellites (3) sont des données incontournables.
Par contre d'autres progrès de la radiobiologie ne sont toujours pas pris en compte en radioprotection: il s'agit des développements récents au sujet de la création par les rayons de "radicaux libres".
On connaît depuis longtemps ce phénomène à l'intérieur des cellules vivantes. Il s'agit de la genèse de ces radicaux chimiquement très actifs mais dont la durée de vie dans le cytoplasme est très brève. La nouveauté réside dans les faits suivants: il existe maintenant une accumulation de preuves expérimentales sur le rôle délétère des "espèces oxydées actives" dont les radicaux libres, sur la membrane extérieure des cellules, comme celle qui tapisse nos vaisseaux sanguins et que l'on appelle "l'endothélium vasculaire". Quelque soit leurs origines ces espèces chimiques oxygénées sont les agents principaux du "stress oxydatif" qui a pour conséquences une altération de l'endothélium surtout dans ses fonctions de protection et de défense contre ce stress, ce qui conduit (avec d'autres facteurs) vers les désordres cardiovasculaires.
Pour l'instant la prudence est de mise dans les instances internationales. Pour l'UNSCEAR, commission de l'ONU:
"L'induction de telles affections demeurent encore inconnus. Des mécanismes impliquant une atteinte primaire des micro vaisseaux du péricarde et du myocarde, une origine monoclonale des lésions athéromateuses ou une origine inflammatoire sont évoqués, sans qu'il soit possible d'en faire une démonstration convaincante. Il faut d'autres études complémentaires épidémiologiques pour élucider les mécanismes" (4)
Pour la commission internationale de protection radiologique (CIPR 103):
"Tout en reconnaissant l'importance potentielle des observations sur les maladies autres que le cancer, la commission estime que les données disponibles ne permettent pas leur intégration dans l'estimation du détriment aux faibles doses de rayonnement inférieures à 100 mSv environ"
Pour résumer la situation, certaines données épidémiologiques, comme l'étude sur les survivants d'Hiroshima et Nagasaki, sont acceptées mais le doute persiste sur les mécanismes d'action des
radionucléides dans la pathogénie des maladies cardiovasculaires.
LES DERIVÉS ACTIFS DE L'OXYGENE (Reactive oxygene species, ROS)
Il s'agit pour l'essentiel, des radicaux libres en biologie. On en parle beaucoup, la littérature "people" est pleine de publicité pour des produits efficaces contre le vieillissement parce qu'ils sont "antiradicaux libres" ce qui est hélas inexact.
Mais de quoi s'agit-il? Un radical libre est une entité chimique, molécule ou atome, possédant à sa périphérie un ou plusieurs électrons (particule électriquement négative) non apparié avec les charges positives (protons) du noyau. Ces électrons célibataires sont très instables et très réactifs dans leur recherche de l'âme sœur positive, d'où leur agressivité sur toute molécule ou atome à leur portée. PARMI EUX, UN RADICAL LIBRE OXYGENE, comme le radical hydroxyle: OH• ou peroxyde O2• sont des oxydants redoutables capable d'attaquer de nombreuses molécules comme les acides gras ou les protéines. S'ils se forment dans la cellule, ils sont vite neutralisés dans le cytoplasme, ils peuvent rarement interagir avec l'ADN, par contre ils peuvent être délétère pour la membrane des mitochondries. Cela peut entraîner des dysfonctionnement de ces organites intracellulaires dans leur fonction principale qui est de fournir de l'énergie à la cellule.
Le rôle des rayonnements ionisants dans la genèse des radicaux libres
On connait depuis 60 ans la capacite d'induction de radicaux libres par irradiation du cytoplasme, en fait de tout liquide y compris l'eau, meme si les lésions secondaires sur l'ADN sont rares eu égard à la vie ultra brève de ce type de radicaux (milliardième de millisecondes)
Cette action particulière est restée une curiosité physique pendant longtemps.
Ogawa et al (5) en 2003 va réfuter cette hypothèse en montrant le caractère prolongé de la création des radicaux libres au pourtour du noyau cellulaire jusqu'à dix heures après l'irradiation. Il a la surprise de constater qu'en outre il n'y a pas de corrélation avec la dose radiative utilisée. En radiobiologie, les radicaux libres sont revenus à l'ordre du jour.
De plus en plus de radiobiologistes se focalisent sur les mitonchondries, ces organites intra cellulaires si important pour l'énergie interne, et ce qui est nouveau, sur la membrane mitochondriale: Leach et al (6) en 2001 irradient différentes cellules humaines en culture avec des doses de rayons gamma échelonnées entre 1 et 10 Gray et ils mesurent la perméabilité de la membrane mitochondriale. Celle ci est perturbée en fonction de la création de radicaux libres, mais ils sont surpris aussi devant l'absence d'effet doses/dépendant; Autrement dit,quand on augmente les doses rien ne change dans la cellule il y a uniquememt un recrutement de cellules concernées plus important. Un pas de plus est fait pour déplacer le phénomène de stress oxydatif du cytoplasme et des noyaux vers les membranes internes. Koritov et al (7) en 2007 franchissent le pas suivant: sur des cellules cancéreuses humaimes en culture, ils démontrent que la production de radicaux libres oxygénés par irradiation dépend étroitememt du milieu extérieur, en l'occurence du sèrum sanguin. selon eux, le phénomène majeur est extérieur à la cellule, il dépend de la perméabilité de la membrane externe de la cellule, seule à faire rentrer ces espèces à l'intérieur.
La banalisation de ces données est telle qu'aux USA, un programme du département américain de recherche sur les faibles doses est actuellement en cours sur: " les mécanismes moléculaires modifiant la sensibilité des protéines membranaires au stress oxydatif après une exposition aux faibles doses". Le projecteur est donc braqué sur la membrane extérieure des cellules. Que ce passe-t-il pour une membrane particulière, l'endothélium vasculaire, dans le cadre de cette nouvelle vision radio biologiste?
LES RADICAUX LIBRES ET L'ENDOTHELIUM VASCULAIRE
Définissons d'abord cette étrange notion de "fonction endothéliale"
Les cellules endothéliales vasculaires jouent un rôle majeur en physiologie humaine et animale. Ceci est vrai pour la motilité de la paroi artérielle (vasoconstriction et vasodilatation) et donc pour la régulation de la pression artérielle, mais aussi pour la coagulation sanguine et l'angiogénèse. Le dysfonctionnement de cette "fonction" est à la base de l'athérosclérose, l'inflammation et joue un rôle important dans les complications du diabète.
La fonction endothéliale est aussi une barrière sélective pour la traversée de différentes substances de la lumière des vaisseaux vers l'espace interstitiel. Cette perméabilité contrôlée par l'endothélium est fondamentale dans la microcirculation: tester la perméabilité capillaire c'est tester la barrière endothéliale
La dysfonction endothéliale est d'abord un trouble de l'équilibre entre la production de radicaux libres inévitable en biochimie du sang et les moyens de défense de l'endothélium, principalement l'oxyde d'azote (NO). Il s'agit par exemple de radicaux libres comme OH• O2•? H2O2• chimiquement très actifs que l'endothélium doit neutraliser en permanence. Dans les faits, ces espèces actives et agressives sur la paroi des vaisseaux sont délétères surtout s'il existe une diminution de la production de protecteurs. Les mécanismes qui conduisent à l'inhibition de la production de NO sont multiples, par exemple les radicaux libres vont réagir avec un enzyme de la paroi vasculaire au nom barbare: :" la diméthylarginine dimethyl aminohydrase". La diminution ainsi induite de la réactivité de cette enzyme va augmenter la concentration sanguine de la" diméthylarginine asymétrique" (ADMA) avec pour conséquence une forte diminution de la protection anti-stress, le dysfonctionnement endothélial s'installe plus ou moins vite, avec ses conséquences pathologiques.
Effets de l'irradiation sur l'endothélium vasculaire:
En ce qui concerne les effets de la radioactivité on ne peut pas y répondre simplement, parce que le temps de séjour dans le sang des particules radioactives est complexe avant capture par les organes, et après relargage. Cette difficulté explique le choix habituel de l'irradiation externe parfaitement contrôlée.
Menandez et al (8) en 2009 vont aller au plus simple: Ils irradient un segment d'aorte et le compare à un segment non irradié. Ils mesurent les effets des rayons sur la fonction endothéliale particulière du contrôle de la motilité
(contraction/dilatation). Ils ont la surprise de constater qui ne se passe rien pendant les 3 jours après irradiation, et c'est au cours des 6 mois suivants que les troubles de la motilité apparaissent. Il y a bien un effet mais il est tardif!
Soucy et al (9) en 2007, vont utiliser une technique plus réaliste: ils irradient des cobayes à doses croissantes puis mesurer ensuite en prélevant l'aorte, à la fois la motilité et la variation d'une réaction enzymatique sensible à la concentration de radicaux libres. Ils retrouvent 2 semaines après l'irradiation, l'altération de la motilité artérielle et les stigmates enzymatiques de l'activation prolongée des espèces oxygénées actives. Le mécanisme est donc bien l'excès de radicaux libres sur une période longue avec détérioration d'une fonction endothéliale, la vasoconstriction/vasodilatation.
Mais une question demeure: tous les êtres vivants sont-ils également sensibles à cet effet des rayons? Existe-t-il des groupes à risques ? le contexte biologique, surtout pour les humains, joue-t-il un rôle?
Tribble et al (10) en 1999 s'étaient déjà attachés à cette question. Ils vont irradier des souris transgéniques et ensuite séparer ces souris dans 2 groupes: l'un va avoir un régime riche en graisses pendant 18 semaines, et l'autre aura une alimentation habituelle. Ils vont ensuite, par dosages sanguins et par examen anatomopathologique, comparer les lésions d'athérosclérose. Les conclusions sont sans appel, il faut aussi un régime hyper lipidique pour développer une athérosclérose majeure, l'irradiation seule ne suffit pas..
Il y a donc bien des groupes à risques chez les irradiés avec un effet de promotion. On peut donc affirmer que les rayons ionisants induisent une production de radicaux libres y compris dans la circulation sanguine et qu'il est possible d'altérer par ce mécanisme la fonction endothéliale et avec des facteurs extérieurs, d'induire des pathologie cardiovasculaires. Cela ne suffit pas pour valider ce mécanisme: "rayons ionisants? radicaux libres? dysfonction endothéliale" , il faut aussi prouver que ce mécanisme fonctionne pour les capillaires sanguins, et qu'il concerne de plus d'autres fonctions endothéliales. Par exemple, le rôle de barrière sélective avec contrôle des traversées de substances circulantes et protection contre d'autres indésirables comme les espèces oxygénées actives. Dans ce domaine, Collins-Underword (11) en 2008 va apporter une preuve convaincante en cultivant des cellules capillaires cérébrales, puis en irradiant la culture. Il y a bien une agression directe des radicaux libres créés, sur les fonctions de protection de l'endothélium capillaire, contre le stress oxydatif. Cela conforte les conclusions antérieures de Robbins (12) en 2004: "Indiscutablement les rayons ionisants induisent de façon retardée un stress oxydatif chronique qui est similaire à celui mis en œuvre au cours des inflammations chroniques des parois vasculaires ou à la détérioration progressive de la fonction endothéliale au cours du diabète". La cause est-elle entendue pour autant?
Les limites de cette nouvelle conception du rôle délétère des rayons sur le système cardiovasculaire.
La principale critique porte sur le type d'irradiation in vivo (en radiothérapie) ou sur modèle animal: il s'agit toujours d'irradiation aigu. Cela ne correspond pas aux données de l'épidémiologie par exemple pour les populations autour de Tchernobyl, où il s'agit de radioactivité ingérée de façon chronique avec des faibles doses quotidiennes même si le passage des radionucléides dans le sang avant stockage dans les organes reste bref. Dans cette situation, on est dans un processus de sollicitations constantes des moyens de défense contre le stress oxydatif. De plus les populations testées ne sont pas homogènes, et il existe en son sein des groupes à risques traditionnels, regroupés par leurs habitudes alimentaires, le type d'hygiène de vie, ou la survenue d'une maladie comme le diabète. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un modèle simulant cette agression semi permanente des faibles doses radioactives circulantes et d'un moyen de mesure des effets dans ce contexte d'une agression supplémentaires par les radicaux libres.
Dans mon laboratoire nous avons eu l'idée suivante: puisqu'il est difficile d'utiliser comme facteur déclanchant la radioactivité, pourquoi ne pas utiliser un modèle animal avec une dysfonction endothéliale capillaire bien identifiée et en ajoutant expérimentalement une source supplémentaire de radicaux libres? Pour ce faire, on a choisi des rats diabétiques à qui ont fait subir une épreuve de réchauffement/ refroidissement de la température centrale. Cette manœuvre est créatrice de radicaux libres circulatoires uniquement au moment du réchauffement (13,14,15). Sans rentrer dans les détails expérimentaux, on a comparé la réponse à cette manœuvre dans un groupe de rats normaux et dans un groupe de rats diabétiques. On a ensuite séparé les rats diabétiques en 2 sous groupes: l'un après une seule épreuve de refroidissement/ réchauffement, l'autre après six manœuvres de ce type effectuées en 3 semaines. Dans tous les cas ou a mesuré la production de radicaux libres dans le sang avant et après l'utilisation du froid, par un indicateur du système réduction/oxydation.
La fonction endothéliale capillaire explorée est une fonction de traversée des protéines, en l'occurrence de l'albumine, la perméabilité de la barrière endothéliale est strictement liée à la capacité de protection contre les espèces oxygénées actives (17).
Les résultats sont les suivants:
1- Les rats diabétiques ont une altération de leur barrière endothéliale capillaire modérée avec altération de la traversée de l'albumine mesurée par l'excès de celle-ci sons forme de rétention dans l'espace extra vasculaire, par contre les rats normaux du même âge ont une barrière intacte.
2- Le froid entraîne dans tous les cas, mais davantage dans le groupe diabétique, une altération importante de la traversée de l'albumine.
3- Le retour à 37° rétabli totalement cette fonction de traversée chez les rats normaux et partiellement dans le groupe de rats diabétiques après une seule manœuvre.
4- Par contre, pour le groupes de rats diabétiques ayant subit six épreuves de refroidissement/ réchauffement, il existe une altération stable TRÈS IMPORTANTE DELA PERMEABILITE CAPILLAIRE, et il n'y a plus de récupération de la rétention d'albumine antérieure après réchauffement.
5- Il existe une différence très significatives entre les rats normaux et les rats diabétiques en ce qui concerne la quantité d'espèces oxygénées actives, des dosages des marqueurs du stress oxydatif sur un mois confirme la stabilité de cette agression, le diabète induit donc excès de radicaux libres de façon stable et chronique. Par contre le refroidissement/réchauffement induit une majoration stable considérable du stress, corrélé avec les anomalies de la perméabilité capillaire. C'est donc logiquement dans ce groupe que ce développe les "endéliopathies"
Même si on est dans le registre comparatif, on peut affirmer que dans la situation de dysfonctionnement endothélial latent ou peu intense , comparable à celui des sujets soumis à de faibles doses radioactives incorporées journellement, un surcroît de stress oxydatif, comme celui qui existe dans les groupes à risque de l'athérosclérose, entraîne un dysfonctionnement retardé mais majeur et persistant de la fonction endothéliale. Ce mécanisme, au travers de l'altération du rôle principal de nos parois vasculaires, est compatible avec les hypothèses actuelles sur la genèse de nombreuses maladies cardiovasculaires en excès en épidémiologie des humains irradiés chroniques.
Nous sommes en accord avec l'appel de l'UNSCEAR pour approfondir la recherche et accumuler d'autre preuves, en particulier en imaginant des modèles basés directement sur la contamination radioactive chronique, et avec d'autres preuves de l'effet de promotion des facteurs extérieurs. Mais ce mécanisme nous semble dès maintenant crédible et cela devrait suffire pour que l'organisation mondiale de la santé puis les organismes de radioprotection acceptent l'existence de ce risque, et acceptent ainsi d'incorporer cette pathologie non cancéreuse dans les maladies potentiellement radio induites.
Cela concerne les victimes actuelles autour de Tchernobyl, les riverains de la rivière "TECHA" en Sibérie polluée par un accident nucléaire militaire, les habitants autour de "SEMIPALATINSK" lieu
des essais soviétiques au Kazakhstan mais aussi, les vétérans des essais nucléaires français.
BIBLIOGRAPHIE
1- PRESTON et al, Study of mortality of atomic bomb survivors report 13 solid cancer and non cancer disease mortality Rad. Res. 2003, 160,4, 381/407.
2- Rapports de l'UNSCEAR 2003-2007, IRSN 2006,7A, IRSN ed.
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A.BEHAR (université Paris VI), Communication faite dans le cadre d’un séminaire à Alger « Cancer du sein chez la femme jeune », centre Pierre et Marie Curie, Alger.
La radio induction de certains cancers du sein est une notion familière pour les praticiens. Il existe un consensus sur la réalité du "2ème cancer" après radiothérapie et la profession a su très tôt dégager une population à haut risque (HR) dans le dépistage par mammographie radiologique (1). Mais il s'agit dans tous les cas d'irradiation externe par rayonnement X ou g, quelque soit la dose délivrée aux patientes.
Il en va tout autrement pour la contamination interne par des radionucléides, pour des raisons physiques en particulier;
- D'abord, à cause de leur spécificité métabolique. Chaque radionucléide est capté par un organe particulier: l'iode*(radioactif) par la thyroïde, le strontium* par les os, etc. avec un temps de séjour dans le corps humain caractéristique pour chacun d'entres eux, lié à leur décroissance physique et biologique ( on parle de demi-vie effective).
- Ensuite parce que la contamination interne est souvent chronique, à l'inverse des irradiations X ou Gamma. Les doses délivrées sont en général faibles (mais notable en dose cumulée), et les risques très différents selon l'age, le sexe, le mode de vie.
- Enfin, parce que l'absorption par les tissus des rayonnements particulaires ou photoniques issus des radioéléments est toujours inhomogène à tous les échelons, cellules, tissus, organes, individus. Par exemple, une dose uniforme de 100 mCi d'iode 131 injectée par voie parentérale, va se retrouver dans les cellules de la thyroïde avec une variabilité de 0 à 100!
Comme il est de règle dans notre profession, la première démarche pour comprendre le lien entre la contamination radioactive et l'apparition d'un cancer du sein, est obligatoirement épidémiologique. L'étude princeps, valable pour tous les cancers radio induits, reste l'étude vie entière (life span study) d'une cohorte de survivants d'Hiroshima et Nagasaki. Ce travail colossal américano-japonais, effectué par la "radiation effects research fondation" fut publié pour la première fois de façon exhaustive en 1994, sous la direction de E. THOMSON (2).
On doit en extraire le cas du cancer du sein, singulier à bien des égards.
Il faut noter que :
- les effectifs les plus importants sont pour les jeunes filles entre 10 et dix neuf ans au moment de l'explosion de la bombe.
- la dose moyenne estimée la plus élevée: 2,17 Sv, se trouve dans le groupe des femmes de 30 à 39 ans.
- L'excès de risque relatif pour les cancers du sein est le plus élevé parmi tous les autres cancers: 1.59, avec un intervalle de confiance de 1.09 à 2.19.
- Ce sont les fillettes de 0 à 9ans (au moment du bombardement) qui ont l'ERR le plus élevé (plus de trois fois l'incidence des cancers du sein dans la population témoin), alors quelles ont été les moins irradiées et contaminées.
Tableau 1 et 2.
Dans l'étude des populations contaminées après l'accident de Tchernobyl (3), le cancer du sein radio induit arrive en deuxième position, après le cancer de la thyroïde. Il faut cependant prendre en compte 2 réalités:
- L'ancienneté de l'événement n'est que de 25 ans, ce qui est très insuffisant pour comptabiliser les cancers solides.
- Le cancer papillaire radio induit de la thyroïde est ici très majoritairement juvénile, et il est apparu très tôt avec les lésions non cancéreuses, ce pic rapide a donc dominé les données statistiques. Actuellement, l'incidence est en pleine décroissance alors que celle du cancer du sein est au contraire en croissance.
On retrouve par contre la première place pour le cancer du sein dans la population contaminée chronique autour de la rivière "TECHA" en Sibérie (4). Il s'agit des suites de l'accident nucléaire militaire du site interdit de MAYAK. On estime la dose cumulée moyenne de cette contamination radioactive à dominante de Césium 137, à 470 mSv au cours de la période 1956/2004. La méthode statistique utilisée dite "cas/témoins" s'est révélée plus puissante que les statistiques conventionnelles de THOMSON: On arrive à un résultat ahurissant pour l'ERR/Sv à 4.99 et un intervalle de confiance entre 0.80 et 12.76.
Les données épidémiologiques sont toutes convergentes en faveur d'une radio induction majeure pour le cancer du sein. Il reste à proposer un mécanisme crédible qui relie la radioactivité déposée dans le corps humain et l'éclosion tardive du cancer du sein, le consensus est fait sur des mécanismes UNIQUEMENT BIOLOGIQUES, on parle "d'effets non ciblés".
Ces mécanismes vont être décrits dans l'ordre historique des découvertes en radiobiologie, et donc différents de la séquence in vivo des évènements.
L'ACTIVATION ONCOGÉNIQUE:
La piste du déséquilibre du système oncogène/antioncogène a été explorée la première, et elle a été revisitée à l'occasion de la découverte de l'instabilité des
microsatellites: Il s’agit d’une réponse adaptative face à un agent exogène, où une protéine dite de régulation va activer un gène qui a son tour va entraîner la fabrication de protéines ad hoc en
grande quantité. Que se passe-t-il quand le mini satellite est connecté avec un proto oncogène comme le locus HRAS1 VNTR? Rappelons d’abord le rôle majeur de l’expression des oncogènes
dans la genèse du cancer. Le risque est la création d’allèles liés à cet expression d’oncogènes ou simplement que le mini satellite muté dans un sens pathologique, rompt le lien avec la création de
protéines protectrices et donc entraîne une plus grande fragilité du noyau à des agents génotoxiques comme les radicaux libres. Le stress oxydatif dans ce cas peut représenter le " 2ème
événement déclencheur". Il faut rappeler ici que ces allèles anormaux sont retrouvés dans 10% des cancers (5).
2- L'INSTABILITÉ GÉNOMIQUE
L’instabilité génomique, c’est à dire l’instabilité des chromosomes que J.B. Little a magnifiquement démontré (6). l’induction, par irradiation, d’un type d’instabilité génomique transmissible dans la descendance des cellules. Elle conduit a une augmentation persistante du taux auxquels des altérations génétiques, incluant des mutations et des aberrations chromosomiques, surviennent chez les descendantes des cellules irradiées originellement après plusieurs générations de réplication cellulaire (5). Toute cellule qui se divise, si elle est indemne de toute lésion chromosomique, va donner naissance a une population de descendants de même type, on dit qu’elle a un phénotype « sauvage ». S’il s’agit d’une cellule mutée après irradiation, cette mutation sera transmise à sa descendance. Le problème commence quand, ce qui est le cas le plus fréquent, des cellules irradiées réparées ou des cellules voisines, et qui ont donc un phénotype sauvage, se divisent normalement dans une première étape. Mais, au cours des divisions successives des descendants, à la 12ème voire à la 30ème génération, la fréquence des mutations s’élève brusquement au sein de la population monoclonale dérivée de cellules irradiées. On va retrouver 10% de mutations c’est à dire une augmentation significative de fréquence, comparées à un clone de cellules non irradiée.
Tout se passe comme si la réparation des lésions directes ou liées au voisinage, n’était pas stable au cours des générations successives et que la probabilité de revoir une cellule fautive
augmentait au cours du temps. Cette instabilité dans la transmission sur une durée longue expliquerait le délai de plusieurs dizaines d'années entre la contamination initiale et l'apparition du
cancer du sein.
3- L'EFFET DE PROXIMITÉ (BYSTANDER EFFECT)
Sans remettre en cause les effets ciblés, que se passe-t-il en plus au moment de l’irradiation ou de la contamination radio active ? La découverte fondamentale, cohérente avec les concepts de la biologie moléculaire sur le rôle des protéines et l’existence de réseaux cellulaires, c’est le " bystander effect" ou « effet de proximité ». Il s’agit, selon la définition de l’UNSCEAR de " l’effet de proximité décrit la capacité des cellules affectées par un agent extérieur, de transmettre les manifestations du dommage à d’autres cellules qui ne constituent pas la cible directe de l’agent causal ou qui est susceptible de l’exprimer " (5)
Les preuves expérimentales sont nombreuses, mais l’auteur principal de ces travaux est sans conteste JOHN B. LITTLE (6). Voici un exemple convaincant réalisé par l’équipe de Little en 2001 (5).
Cette expérience n’aurait pas été possible sans la mise au point de micro faisceaux de particules a ou de rayons g capables d’irradier une ou quelques cellules.
Il s’agit d’une culture de fibroblastes humains normaux diploïdes examinée en immunofluorescence in situ pour la détection de la protéine P 21.
Sur la figure de gauche, la culture de cellules non irradiée n’exprime que très peu la protéine P21. Sur la figure du centre, une irradiation très faible, 0,3 cGy, conduisent de nombreuses cellules à exprimer la P21, alors que 1 à 2% seulement de noyaux ont été traversé par une particule a. Si cette culture irradiée est incubée avec du lindane, inhibiteur de la communication inter cellulaire, alors, sur la figure de droite, l’expression de la P21 redevient modeste.
De tels faits sont aussi constatés après l’utilisation de micro faisceaux g ou par des rayons ultra violets (5)
--Cette propagation du signal vers des cellules voisines non irradiées concerne au premier chef la P53 (signal majeur pour la mort programmée) mais aussi la CDC2, la cycline B, rad 51,(protéines du même type) etc. cela conduit d’abord à l’extension de l’apoptose mais aussi à l’extension de la transmission du signal à des cellules filles devenant " fautives ".
Il s'agit donc d'un " effet de champ " lié à la communication cellulaire, avec des conséquences biologiques majeures: Car la transmission des effets de la radiation sur une cellule vers les cellules non touchées va entraîner un bouleversement du métabolisme oxydatif et des cytokines. Résultat: mutation et modulation de gènes spécifiques (anti-oncogène) (7), et
la transformation maligne par accumulation des dommages du stress oxydant (surtout dans le cancer du sein) (8). Il nous faut insister sur ce phénomène indépendant de la dose délivrée car les radio biologistes mettent en tête cette hypothèse de cancérisation surtout pour les cancers solides et tout particulièrement le cancer du sein, car "la cancérisation s'explique plus par un effet de champ et de communication intercellulaire que par l'irradiation d'un seul gène ou d'une seule cellule. A l'échelle cellulaire, la taille de la cible nécessaire pour acquérir l'instabilité semble incompatible avec la taille d'un gène." (documentation du service de radioprotection d'EDF)
On peut maintenant revenir sur la description actuelle des mécanismes biologiques qui relient la contamination radioactive initiale et le cancer radio induit:
La séquence complète pourrait être: Effet de proximité ® Instabilité génomique (+ des mini satellites)®activation oncogénique. Tous ces processus sont uniquement biologiques, il s'agit bien d'effets "non ciblés". Mais dans tous les cas, un phénomène très particulier est régulièrement évoqué: il s'agit du stress oxydatif, mis en avant par de nombreux auteurs (9,10,11,12). La question centrale devient: quel est la genèse du stress oxydatif, son lien avec la contamination radioactive, son rôle dans la cancérisation? la réponse renvoi systématiquement à un seul agent: les radicaux libres.
3. LA GENÈSE DU STRESS OXYDATIF LIÉE AUX RADICAUX LIBRES
Il s’agit pour l’essentiel, des radicaux libres en biologie, de quoi s’agit-il? Un radical libre est une entité chimique, molécule ou atome, possédant à sa périphérie un ou plusieurs électrons (particule électriquement négative) non apparié avec les charges positives (protons) du noyau. Ces électrons célibataires sont très instables et très réactifs dans leur recherche de l’âme sœur positive, d’où leur agressivité sur toute molécule ou atome à leur portée (12). PARMI EUX, UN RADICAL LIBRE OXYGENE, comme le radical hydroxyle: OH• ou peroxyde O2• sont des oxydants redoutables capable d’attaquer de nombreuses molécules comme les acides gras ou les protéines. S’ils se forment dans la cellule, ils sont vite neutralisés dans le cytoplasme, ils peuvent rarement interagir avec l’ADN, par contre ils peuvent être délétère pour la membrane des mitochondries. Cela peut entraîner des dysfonctionnements de ces organites intracellulaires dans leur fonction principale qui est de fournir de l’énergie à la cellule. Le rôle des rayonnements ionisants dans la genèse des radicaux libres est connu depuis 60 ans, la capacité d’induction de radicaux libres par irradiation du cytoplasme, en fait de tout liquide y compris l’eau, est automatique même si les lésions secondaires sur l’ADN sont rares eu égard à la vie ultra brève de ce type de radicaux (milliardième de millisecondes). Cette action particulière est restée une curiosité physique pendant longtemps. En 2003, de nombreux auteurs (9,10) vont réfuter cette hypothèse de fugacité en montrant le caractère prolongé de la création des radicaux libres au pourtour du noyau cellulaire jusqu’à dix heures après l’irradiation. Ils ont la surprise de constater qu’en outre il n’y a pas de corrélation avec la dose radiative utilisée. En radiobiologie, les radicaux libres sont revenus à l’ordre du jour. De plus en plus de radio biologistes se focalisent sur les mitochondries, ces organites intra cellulaires si important pour l’énergie interne, et ce qui est nouveau, sur la membrane mitochondriale: Leach et al en 2001 irradient différentes cellules humaines en culture avec des doses de rayons gamma échelonnées entre 1 et 10 Gray et ils mesurent la perméabilité de la membrane mitochondriale. Celle ci est perturbée en fonction de la création de radicaux libres, mais ils sont surpris aussi devant l’absence d’effet doses/dépendant; Autrement dit, quand on augmente les doses rien ne change dans la cellule il y a uniquement un recrutement de cellules concernées plus important. Un pas de plus est fait pour déplacer le phénomène de stress oxydatif du cytoplasme et des noyaux vers les membranes internes. Ray G et Kumaraguparan Ral (13,14) franchissent le pas suivant: sur des cellules cancéreuses (du sein) humaines en culture, ils démontrent que la production de radicaux libres oxygénés par irradiation dépend étroitement du milieu extérieur, en l’occurrence du sérum sanguin. Selon eux, le phénomène majeur est extérieur à la cellule, il dépend de la perméabilité de la membrane externe de la cellule, seule à faire rentrer ces espèces à l’intérieur. En ce qui concerne les effets de la radioactivité on ne peut pas y répondre simplement, parce que le temps de séjour dans le sang des particules radioactives est complexe avant capture par les organes, et après relargage. Cette difficulté explique le choix habituel de l’irradiation externe parfaitement contrôlée.
SINHA (9) résume ainsi la carcinogenèse liée aux radicaux libres:" leur activité est majorée dans le cancer du sein. Avec une augmentation de la sévérité du cancer au delà du stade TNM"
Plus catégorique encore STRZELCZYK (10): "Les ROS sont considérés comme une classe significative de carcinogènes, car ils participent à l'initiation, la promotion et la progression du cancer du sein"
On peut donc intégrer le stress oxydatif dans la séquence précédente. Mais cela ne répond pas à la question des praticiens; Pourquoi et comment, ce long processus biologique ce traduit de façon aléatoire a l'éclosion d'un cancer en général et du sein en particulier?
C'est à ce moment qu'apparaît l'hypothèse du deuxième événement, comme starter de la phase clinique pour les cancers radio induits.
Un certains nombres de toxiques comme le tabac, l'alcool, certaines substances chimiques jouent leur rôle comme facteur de promotion, ce qui explique la notion de cancérogenèse multifactorielle. Mais cela n'éclaire pas sur le mode opératoire du 2ème événement.
LE DEUXIÈME ÉVENEMENT:
Nous avons voulut en savoir plus (12) , en procédant à une simulation expérimentale à partir de rats GK génétiquement diabétiques (de type II) porteur supposé d'un stress oxydatif chronique sans traduction clinique, et une 2ème événement, le refroidissement itératif jusqu'à 32° C (température centrale), générateur de radicaux libres. Le marqueur utilisé est ici la fuite d'albumine marquée par du technétium 99m transcapillaire, proportionnelle au stress oxydatif de l'endothélium vasculaire (11). Dans une première phase, et grâce aux dosages dans le sang du rapport glutathion/ glutathion réduit lié au stress oxydatif , il a fallut valider notre l'hypothèse:
Les résultats confirment:
1- Il y a bien un stress oxydatif chronique, puisque le niveau élevé (très significatif) du rapport oxydation/réduction est stable sur un mois pour la population de rats GK diabétiques (GK0-GK1)
2- Il y a bien un effet surajouté par le refroidissement central itératif (jusqu'à 6 fois) dans GK2, très significatif p<0.001
Dans une deuxième phase, nous avons mesuré les effets sur la paroi des capillaires par la mesure de la fuite d'albumine marquée au technétium, avec une attention particulière au retour de la température centrale des rats à 37°C, car cette récupération de la situation antérieure est en faveur d'un trouble transitoire, la non récupération, à l'installation de l'endothéliopathie irréversible.
Les résultats confirment:
1- Qu'il y a bien une récupération des valeurs antérieures chez les rats témoins non diabétiques et chez les rats GK refroidi une à deux fois, avec une fuite d'albumine réelle mais compensée, cohérente avec le stress oxydatif chronique (control et W1)
2- Par contre pour les rats diabétiques refroidi à 32°C six fois (W3), la fuite d'albumine est plus élevée, mais surtout il n'y a pas récupération des valeurs initiales après retour à 37°. La lésion de la paroi capillaire est installée, et de plus cliniquement visible.
Cette simulation conforte l'hypothèse d'un deuxième signal déterminant pour l'éclosion de la pathologie, ici celle de l'endothélium vasculaire, et aussi par hypothèse dans le cancer du sein.
Reste à répondre à la dernière interrogation: pourquoi le cancer du sein serait plus radio induit que les autres? Quelle malédiction s'abattrait sur les malheureuses femmes contaminées par la
radioactivité?
LES ARGUMENTS EN FAVEUR DE L'HYPOTHÈSE D'UNE SENSIBILITÉ PARTICULIÈRE POUR L'ÉPITHÉLIOMA DU SEIN.
Pour valider celle-ci il faut d'abord se rappeler les faits épidémiologiques, très nets dans la cohorte LSS (2): L'ERR la plus forte est pour les fillettes de moins de dix ans, donc avant leur puberté (3.21 vs 1.59 pour toutes les femmes). L'idée est la suivante: les dommages liés à la radioactivité seraient latents, le bouleversement hormonal à la puberté et au delà interviendrait comme deuxième événement.
Si on se réfère à la chaîne des événements de la radio induction: L'effet de voisinage considéré comme principal par certains auteurs (3,5) serait décisif pour le sein avec l'importance du
renouvellement et de la croissance de ce tissus. De même l'instabilité génomique à plus de chances de s'exprimer dans ce contexte. Plus encore, l'activation oncogénique et le stress oxydatif ont pour
conséquences la sécrétion de cytokines messagères d'un message erroné et d'un message hormonal tronqué. Le raisonnement serait le suivant: comme tous les cancers solides, la radio induction des
cancers du sein est lié à la même cascade d'événements cytokines et deuxième événement compris. Mais le facteur spécifique serait le rôle majeur de l'imprégnation hormonale et de son altération. Nous
avons encore beaucoup de recherche à faire pour valider cette hypothèse.
EN CONCLUSION:
Puisque la prédominance de l'incidence des cancers du sein radio induits dans les situations de contamination chronique même à faibles doses est établie, cela en fait un marqueur épidémiologique
de première importance, comme pour la population autour de la rivière Techa (3). Si l'Algérie décide de faire une étude épidémiologique dans la willaya d'Adrar et à IN ECKER, eu égard aux
considérations ci-dessus, le meilleur marqueur serait donc le cancer du sein.
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